[Ecrit par Sam]
Après plusieurs semaines dans le Sahara, puis dans le Sahel, nous commençons à nous lasser des terres arides et pelées. Poursuivre notre route comme prévu par le Burkina nous exposerait plus encore à l’Harmattan, dont la saison débute. Ce vent brûlant qui nous fait face, chariant des nuages de poussière depuis le désert d’autant plus fortement que la barrière forestière a disparu, donne la sensation permanente d’avaler du feu et de manquer d’air.
Nous savons aussi qu’il nous faudra trouver moyen d’éviter le Nigeria, devenu un brin inhospitalier. Bref, il est temps de reconsidérer notre itinéraire.
Voilà pourquoi, nous retraversons le Sénégal par son flanc sud cette fois, afin de rejoindre Dakar via la Casamance et la Gambie, puis de voler vers l’Éthiopie, d’où nous remettrons le cap sur l’Afrique du Sud.
La suite du voyage dément bon nombre des impressions que nous avions jusque là. De découvertes en surprises, l’Afrique nous révèle de nouveaux visages. Nous ressentons souvent le besoin de classer les choses dans des cases préconçues, mais l’Afrique se montre bien trop imprévisible, trop organique, pour être mise en boîte comme des petits-pois. Pour y pénétrer, il faut faire reset des programmes automatiques qui nous animent, la prendre comme elle est sans chercher à l’expliquer, à la juger.
La mixité ethnique, culturelle et religieuse, et la diversité paysagère donnent au Sud un caractère bien plus attrayant et relax.
La cohabitation entre les religions relativise les certitudes des uns et des autres.
L’animisme, malgré la prédominance de l’islam et de l’église reste un pilier de l’imaginaire spirituel, et les marabouts-féticheurs ne sont pas près d’être au chômage.
Nous avons nous-même chacun reçu en cadeau un grigri. Il en existe pour toutes sortes d’usages: se protéger des balles, des serpents, de la médisance, etc… Les nôtres sont plutôt généralistes, un peu pour tout, même pour éviter les attaques terroristes, nous dit-on. C’est la version tout-en-un, idéale pour le voyage.
La présences des Baye Falls, un groupe mystique issu de l’Islam mais débarrassé de ses contraintes, donne à ces contrées un air paisible où la douceur de vivre invite à la pause.
Bien que leurs origines soient différentes, on peut les comparer aux rastas, de par leur philosophie, leurs dreads et leur goût prononcé pour la musique et la fête.
Sur toutes les routes du monde se présentent des personnes que nous reconnaissons de suite comme des nôtres, comme des frères et sœurs. Il y a une classe d’hommes qui transcende les races, les cultures et les âges, avec qui la confiance est innée et la connexion immédiate malgré son caractère éphémère. Ce voyage est aussi le leur, puisqu’ils en sont acteurs, balises et amarres. Ce sont eux qui donnent relief et consistance à notre expérience. Avoir connaissance de cette communauté permet d’aller partout sans crainte et de faire une halte pour partager une bière dans leurs petits coins de paradis.
Le contact avec les villageois est direct, et le temps ne manque jamais pour faire connaissance.
Après les longues salutations d’usage, que nous savons maintenant décliner en une demi-douzaine de langues locales, durant lesquelles on s’enquiert de la famille, de la santé, du travail, etc… de l’interlocuteur, suivies d’une franche poignée de main, les palabres s’éternisent, juste pour le plaisir de causer. Les villages sont placés sous la protection des fromagers.
Ces arbres gigantesques déploient leurs larges couronnes haut dans le ciel, fournissant une ombre idéale pour la sieste et le bavardage. A leur pied, l’homme se sent bien petit.
La pratique des feux de brousse n’est pas en usage ici. Nous voilà rassurés. Ils nous avaient valu une bonne montée d’adrénaline, une nuit où il a fallu décamper d’urgence pour échapper au front de flamme.
La nature généreuse nous procure de bons coins de bivouac, et nous redécouvrons les concerts nocturnes des insectes et le pépiement des oiseaux matinaux.
Le climat s’est agréablement rafraîchi, et nous savourons notre premier frisson. Vivre ainsi dans une nature vivante et amicale est un luxe qui n’a pas de prix, bien supérieur à celui de conduire une porsche avec intérieur cuir ou regarder la pub sur un écran géant plasma.
Nous sommes en fin de saison sèche, et les animaux se concentrent autour des rares points d’eau.
Il nous est aisé d’observer hippopotames, crocos, antilopes, divers singes, phacochères, etc…
Je n’oublie pas non plus mon furtif tête-à-tête avec le redouté mamba noir, un serpent réputé pour son agressivité et sa venimosité, qui m’a juste laissé le temps de plonger dans la tente, sans terminer de pisser.
Moyennant une entourloupe basée sur notre naïveté et le fait accompli, nous sommes autorisés à faire halte au cœur du parc National de Niokolo Koba dans un camp de base réservé aux gardes forestiers.
Au crépuscule, nous assistons au retour au dortoir des babouins. Affluant de tous côtés en files menées chacune par un gros mâle, ils s’installent bruyamment dans les branches qui surplombent la cahute où nous sommes installés. Le sol et les arbres grouillent de singes, comme de grosses fourmis. Ils sont peut être 200, à se chamailler, se mordre, se pincer et gémir pour accéder aux meilleurs places.
Durant la nuit, la panique s’empare de la colonie: cris, gloussements et grognements se mêlent en une cacophonie inaudible. La panthère! Nous savions qu’elle venait régulièrement ici faire son petit marché. Même si nous ne l’avons pas vu, imaginer le fauve roder à nos côtés est plutôt excitant.
Le littoral de la Casamance est parcouru de longs et tortueux bras de mer, les bolongs, qui divisent les basses terres en une multitude d’ilots souvent inhabités et recouverts de mangrove.
Un paradis pour les poissons et les oiseaux, mais aussi pour les paisibles pêcheurs Diolas qui y vivent.
Le poisson abondant, est séché ou fumé et destiné à la préparation du populaire Tiep Bou Dien (riz au poisson), le plat typiquement sénégalais.
Pour accompagner le repas, rien de tel qu’un vin de palme fraîchement récolté du jour.
La mangrove est maintenant plutôt protégée, voire replantée là où elle a été coupée.
Mais une nouvelle menace pèse: la montée des eaux. Des îles ont déjà disparu et certains villages sont près à être immergés.
Panneaux publicitaires, bagnoles, klaxon, brouhaha et agitation: nous sommes à Dakar. Une transition brutale qui donne l’impression d’avoir changé de pays. Un nouveau visage de l’Afrique: celui d’une ville marchande qui se veut dynamique et ouverte sur le monde, mais sans grande personnalité.
Je me demande dans quelle mesure le choix de notre trajet influe sur l’appréciation que nous avons d’un endroit. Un étranger qui visiterait la France en aurait une idée différente selon qu’il commencerait par Verdun, Paris, le Mont Blanc ou le Cap d’Agde!
Notre perception aurait été autre si nous avions effectué notre boucle dans le sens inverse, choisi un autre itinéraire, une autre saison, provoqué d’autres rencontres, été dans d’autres dispositions…
C’est pourquoi, ce que nous écrivons n’est pas la juste description d’une réalité extérieure, mais plutôt d’une certaine manière le reflet de nos propres yeux, envies et de nos possibilités.
Dans 2 jours, nous nous trouverons en Ethiopie, un changement radical, le début d’un autre voyage!
Triona
15/04/2015 at 1:24
Tres bien, Alice et Sam!! Bon Courage!!
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aliciaetsam
13/05/2015 at 10:23
Merci beaucoup!
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Nicole
19/04/2015 at 6:43
ça a l « air magnifique …Se dégager de tout bien matériel et aller où on veut , quel bonheur cela doit être ….Sauf pour les petits couacs que tu ne nous raconte surement pas …
Bisous
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aliciaetsam
13/05/2015 at 10:19
C est sur:il y a des petits couacs mais ils sont ininteressants a raconter par rapport a ce que l on vit a cote. Enorme bisous.
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Adrien
24/04/2015 at 10:43
Waou c’est merveilleux , j’espère que vous vous amusé bien
bisous
Ton petit frère
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aliciaetsam
13/05/2015 at 10:17
Merci a toi mon petit frerot que j aime. Ces petits messages me font toujours chaud au coeur. Love!
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Flo
29/04/2015 at 4:21
Toujours tres bien écrit et les photos bien choisi. Un vrai plaisir de vous lire.
Plein de bisous ! Kwaheri !
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aliciaetsam
13/05/2015 at 10:16
Merci! Et tu sais qu en Swahili, Mzouri ca veux dire bien/beau/bon. On l utilise tout les jours quand les gens nous demandent comment on va! Mzouri!
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David MEY
09/05/2015 at 12:22
Merci pour les photos, ça fait du bien, et content de voir que ça roule pour vous deux!!!! biz
David
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aliciaetsam
13/05/2015 at 10:13
Ah bin je croyais que tu avais arreter de suivre notre blog…apparemment non! Bisous. Ali
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